Jodorowsky’s Dune, ou comment un film inexistant a laissé une si grande trace

Aujourd’hui, ce n’est pas pour vous parler d’un roman graphique que je m’adresse à vous, mais plutôt pour vous présenter un film. Depuis le 8 juillet 2014, on peut retrouver sur les tablettes des magasins le documentaire Jodorowsky’s Dune, réalisé par Frank Pavich, en 2013. Comme j’ai eu la chance de voir ce film au cinéma, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant d’en publier quelques lignes sur l’Antre du Geek!

Une version du château du baron Vladimir Harkonnen, par H.R Giger (Source : Media.npr.org)
Une version du château du baron Vladimir Harkonnen, par H.R Giger (Source : Media.npr.org)

Alors, ça parle de quoi, au juste? Commençons d’abord par une brève présentation de ce Jodorowsky, Alejandro de son prénom. Il s’agit d’un artiste chilien particulièrement créatif, qui a pondu quelques films surréalistes, dont les plus connus sont apparus dans les années 70 : El Topo et The Holy Mountain. Il est fort possible que ces titres ne vous disent rien, ce sont des films cultes, plutôt undergrounds, s’adressant à une clientèle très précise. Assez métaphysiques, rempli de métaphores psychédéliques et bénéficiant d’un visuel hallucinogène et hautement artistique, ce sont des œuvres plutôt uniques.

‘’Et en quoi le geek en moi devrait-il être intéressé’’, vous dites-vous? Après avoir attiré une certaine attention envers ses 2 œuvres précédemment mentionnés, Alejandro s’est fait approcher au milieu des années 1970 par Michel Seydoux, un producteur français. Ce dernier voulait s’associer à Monsieur Jodorowsky, tout en lui donnant carte blanche au niveau créatif. Alejandro voulu alors adapter le roman Dune, de Frank Herbert. Il s’agit d’un classique de la science-fiction, se déroulant dans un univers où un protagoniste se soulèvera contre l’empereur diabolique d’une galaxie. D’ailleurs, si vous voulez en savoir un peu plus au sujet du roman, je vous invite fortement à lire l’article de mon collègue Jean-Phillipe Cardin sur les géants de la Science-Fiction en cliquant ici!

Brouillons de personnages (Source :  sci-fi-o-rama.com)
Brouillons de personnages (Source : sci-fi-o-rama.com)

Donc, le documentaire, via de nombreux témoignages et dessins, reconstitue le processus derrière la création de ce film. Le réalisateur avait tout pensé, tout préparé et tout mis en place. Bémol, le film n’a jamais été filmé. En effet, aucun studio n’a voulu se lancer, l’œuvre (et surtout, le réalisateur) apparaissant trop marginal pour le marché. Certes, il y a bien eu un film sur Dune, considéré un échec autant au niveau critique que commercial, dont le réalisateur, David Lynch, souhaite se dissocier complètement. Ce film, d’ailleurs, est complètement différent de ce qu’avait voulu créer Alejandro au départ.

Quel est l’intérêt d’un tel documentaire? C’est que la vision d’Alejandro Jodorowsky apparaît révolutionnaire. À une époque où Star Wars n’existe pas encore, Jodorowsky arrive avec des idées quasi-mégalomanes et admet lui-même vouloir créer un film prophète, bref transcender la vision que l’on avait du cinéma à l’époque. ‘’We will change the world!’’, clame-t-il. Le documentaire revisite tout, nous montre des croquis, nous explique comment le film devait se dérouler, qui devait y figurer, et surtout, surtout, et de là tout l’intérêt, comment de nombreuses idées devant se retrouver dans le film, se sont retrouvés au sein de plusieurs œuvres maîtresses de la science-fiction par la suite, de Alien à Prometheus, en passant par Blade Runner et Matrix. Comment se fait-il? L’une des raisons est qu’Alejandro s’est entouré d’une équipe incroyable, notamment feu H.R Giger, papa de la créature de Alien et Dan O’ Banon, scénariste de films tel que Alien, Lifeforce ou encore Total Recall, tous deux peu connus à l’époque. Ses visions de grandeur l’ont aussi emmené à s’entourer de gens tout aussi grands : Orson Wells et Salvador Dali comme acteurs et Pink Floyd pour la trame sonore, rien de moins.

H.R Giger devant une esquisse (Source : Rotten Tomatoes)
H.R Giger devant une esquisse (Source : Rotten Tomatoes)

C’est un plaisir de plonger dans ce documentaire. On assiste, étape par étape, à tout le processus créatif d’un artiste disons le assez excentrique, De plus, il est fort intéressant de constater le travail colossal qui a été mis en place pour un film qui, finalement, n’aura jamais eu lieu. Jodorowsky’s Dune est fascinant et on ne peut s’empêcher de se questionner sur ce qu’aurait donné le résultat final. Alejandro Jodorowsky commente tout au long de la pellicule et son enthousiasme, parfois teinté d’arrogance, charme tout de même tant il est passionné et humble vis-à-vis la tournure des choses. Comprenez le, autant plancher sur un projet qui non seulement ne voit pas le jour, en plus de constater, au fil des années suivantes, que les idées apportées sont reprises dans un nombre incroyable de films!

On peut se questionner, suite au visionnement : avait-on affaire à un génie ayant entre les mains un chef d’œuvre révolutionnaire, ou plutôt un homme trop naïf, aveuglé par sa passion? Personnellement, étant un amateur, j’opterais pour la première option. Cela dit, c’est à vous de vous faire votre propre idée! Jodorowsky’s Dune est un documentaire à voir, si vous êtes amateurs de cinéma, particulièrement de science-fiction, ne serait-ce que pour constater comment un film qui n’a jamais eu lieu peut avoir eu un impact sur de si nombreuses choses. Dans tous les cas, on à affaire ici à un film amusant, intéressant et unique.

Voici la bande annonce :

https://www.youtube.com/watch?v=4WWu1kclNDA

2 thoughts on “Jodorowsky’s Dune, ou comment un film inexistant a laissé une si grande trace

  1. Rectificatif: Vous avez indiqué « La base de l’empereur (Source : Media.npr.org) » alors qu’il s’agit d’une des quatre versions du Château du baron Vladimir Harkonnen que H.G.Giger avait dessiné à l’aérographe.

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