Critique – Mangrovia

Sur une île paradisiaque, une tribu vit paisiblement : la vôtre. Un beau jour, votre chef meurt sans désigner de successeur. Dès lors, la compétition s’échauffe. Pour être couronné chef, il faudra prouver sa ferveur sans faille envers les dieux protecteurs.

 

Fiche technique

  • Type de produit : jeu de société
  • Éditeur : Zoch Verlag
  • Durée d’une partie : 45 à 90 minutes
  • Nombre de joueurs : 2 à 5 joueurs
  • Âge recommandé : 10 ans et plus
  • Langue du produit : disponible en français
  • Prix moyen : 45 $ (entre 35 et 55 $)

mangrovia boîte

Survol

Le but du jeu est d’accumuler le plus grand nombre de points de ferveur en construisant à des endroits stratégiques de la carte. Il existe un grand nombre de façons d’en amasser, il faudra donc optimiser son placement de huttes. Il faut satisfaire plusieurs conditions pour construire une hutte : défausser des cartes d’offrandes de valeur égale à celle de l’emplacement où on veut construire, défausser une carte correspondant au terrain de l’emplacement et, finalement, le terrain de l’emplacement doit correspondre à un de ceux survolés par les deux oiseaux du paradis, qui changent de place à chaque tour.

La mécanique de base est élégante : chaque tour est divisé en deux parties. Durant la première partie, tous les joueurs placent à tour de rôle un ou deux (selon le nombre de joueurs) plats à offrandes sur une île de l’archipel des Dieux. Une fois cette phase terminée, la deuxième partie débute : une barque fait le tour de l’archipel, toujours dans le même sens. Lorsqu’elle atteint le quai d’une île où un plat est posé, une action se déclenche. Chaque île a deux quais : la barque passe par l’un à l’aller, puis par l’autre au retour. Poser un plat est donc toujours associé à deux actions distinctes. Ces actions varient de la pioche de cartes à la construction d’une ou de plusieurs huttes, en passant par le déplacement des oiseaux du paradis qui dictent où il est possible de construire. L’obtention de cartes présente d’ailleurs une caractéristique intéressante : à côté de chaque pioche, à chaque terrain ou à chaque offrande sont dévoilées, respectivement, les quatre ou trois cartes du dessus. Certaines actions permettent de choisir la carte voulue alors que d’autres forcent à prendre une carte demeurée cachée. Les cartes dévoilées prises par des joueurs ne sont remplacées qu’en fin de tour, il faut donc essayer d’être parmi les premiers à jouer si une des cartes est particulièrement alléchante!

En haut, les trois cartes paysages découvertes, suivies de la pioche face cachée et de la défausse.  En bas, idem, mais avec les offrandes et quatre cartes découvertes.
En haut, les trois cartes paysages découvertes, suivies de la pioche face cachée et de la défausse. En bas, idem, mais avec les offrandes et quatre cartes découvertes.

 

Cependant, les règles qui concernent le décompte des points sont plus complexes : certains emplacements de huttes en rapportent immédiatement alors que d’autres comptent uniquement à la fin de la partie. En effet, une fois que l’un des joueurs n’a plus de huttes à placer, le jeu entre dans une phase de décompte : le plateau est divisé en trois secteurs, chaque hutte placée dans l’un d’eux peut potentiellement rapporter des points en fin de partie selon des critères précis. Par exemple, dans le secteur du totem, des points sont attribués au joueur qui a le plus de huttes dans ce secteur.

Si vous avez à présenter le jeu à votre groupe, je vous conseillerais, par conséquent, d’expliquer, dans un premier temps, le but du jeu, la mécanique de placement de plats et celle de construction de huttes, sans parler tout de suite de l’accumulation des points de ferveur. Faites un tour ou deux pour que vos compagnons s’habituent au système puis passez aux explications concernant le score. N’oubliez pas de recommencer la partie si certains ne sont pas contents de leurs premières décisions.

Puisqu'une image vaut mille mots, je vous présente l'archipel des Dieux! Vous devrez y placer vos plats pour montrer votre bonne volonté aux divinités.
Puisqu’une image vaut mille mots, je vous présente l’archipel des Dieux! Vous devrez y placer vos plats pour montrer votre bonne volonté aux divinités.

 

Matériel

 

La première étape est de retirer toutes les pièces de leur feuille de carton prédécoupée en appuyant d’un coup sec sur chacune d’entre elles qui se détache d’un “pop” sonore satisfaisant. Étant un grand enfant, c’est une activité aussi agréable pour moi que d’éclater du papier bulle. Elle fut cependant minée par une mauvaise qualité de colle : une petite partie de la couleur de deux ou trois des pièces est restée attachée au carton résiduel plutôt qu’à la pièce. Les dégâts visuels sont minimes, mais le traumatisme est surtout psychologique : je ne pourrai plus jamais détacher de telles pièces avec la même naïveté enfantine qu’auparavant.

Pour les personnes qui seront méticuleuses dès le départ, il ne devrait pas y avoir de problème.

Une fois cette étape achevée, le futur joueur peut admirer la qualité visuelle du jeu : la plupart des pièces et des dessins ne sont pas détaillés, mais représentent globalement une idée – exactement comme cette phrase, d’ailleurs. Par exemple, les différents terrains sont représentés par des motifs et non des paysages. Mine de rien, une trop grande complexité visuelle aurait pu causer plus de confusion qu’autre chose, surtout chez les profanes. Cette retenue artistique mesurée est donc appréciée, particulièrement lors de la phase d’apprentissage du jeu. Attention, je n’insinue aucunement que le style visuel n’est pas riche, bien au contraire! Un souci du détail est apparent pour l’oeil averti : chaque île de l’archipel des Dieux est décorée d’une manière différente; les cartes d’offrandes représentent un nombre d’éléments équivalent à leur valeur; les décorations de chaque lieu sacré du plateau rappellent subtilement leur effet… Par exemple, la case centrale du secteur dite « l’Étoile de Pierre » contient un astérisque formé de galets. L’effet de cette case est lié à la multiplication, tout comme le symbole de l’astérisque dans tout ce qui est programmation informatique.

disposition mangrovia
Les petites pièces rouges, jaunes, oranges, azurs et violettes sur le plateau sont des huttes construites. La piste de score fait le tour du plateau, mais la majorité de la progression ne se fera qu’après le dernier tour!

 

Plaisir

Le plaisir du jeu a plusieurs sources qui correspondent aux différentes phases du jeu. Si vous prenez plaisir à deviner les actions de vos opposants et à agir en conséquence, vous apprécierez surtout la phase de placement des plats : étant donné que chaque quai ne peut accueillir qu’un seul plat, il peut arriver que des adversaires ayant les mêmes intentions que nous ruinent notre plan! Cette partie du tour est avant tout psychologique, surtout avec quatre ou cinq joueurs.

Si vous aimez faire état de l’ensemble des possibilités et exécuter ce que vous pensez être le meilleur plan possible, votre phase préférée sera sans doute celle de la résolution des actions, où la barque fait le tour de l’archipel et où vous exécutez les actions correspondant au positionnement de vos plats en fonction de votre main. Il faudra calculer chaque possibilité qui s’offre à vous et essayer d’en tirer le plus de points.

Finalement, si ce qui vous plaît est le décompte final, voir les pions progresser sur la piste de score, vous serez friand de l’ultime phase de Mangrovia, où un grand nombre de points sont calculés,tellement qu’il est très difficile de savoir qui gagne jusqu’à la dernière seconde. Les scores finaux sont souvent serrés, du moins selon mon expérience de quelques parties.

 

Déplaisir

Deux facteurs peuvent rendre la session de jeu particulièrement pénible : des compagnons de jeu lents et des compagnons de jeu lents. Je plaide d’ailleurs coupable, ayant la manie de tout vouloir tenir compte de chaque possibilité, de calculer chaque probabilité. Attendre son tour lors de la pose des plats peut devenir une séance de torture lorsque le joueur dont c’est le tour hésite entre deux endroits, surtout si l’un d’eux est celui qu’on souhaite choisir si notre tour vient un jour! De même, pendant la résolution des actions, particulièrement lors de la construction de deux huttes ou d’une double hutte, où davantage de critères doivent être remplis, certaines personnes peuvent passer des minutes entières à vérifier si elles font le meilleur choix pendant que les autres ne peuvent que regarder leurs ongles ou se les curer, s’ils sont sales. En effet, aucune mécanique ne permet d’interaction directe entre les joueurs. Il s’agit plutôt de bloquer son adversaire en construisant là où il voulait construire ou placer son plat là où il voulait le placer. Nada más.

Les premières sessions de jeux peuvent donc être particulièrement longues et frustrantes. Plusieurs parties avec un même groupe permettent de diminuer cet effet indésirable, mais sans l’ôter totalement – à moins que chaque membre n’arrive à trouver la meilleure solution en une poignée de secondes, auquel cas le jeu n’aurait plus grand intérêt…

 

Conclusion

Mangrovia a de solides mécaniques de base, mais souffre de l’absence d’interactions entre les joueurs, ce qui pourrait rebuter les personnes moins habituées. Il apporte cependant une certaine fraîcheur par son thème et par les façons de calculer les points plutôt originales. Par conséquent, si vous aimez des jeux qui offrent peu ou pas d’affrontement direct entre joueurs, comme Dominion ou Caylus, vous pouvez vous le procurer sans poser de questions!

On aime

  • L’excitation lors du décompte final
  • Poser ses plats pour empêcher un adversaire de faire une action
  • Calculer le meilleur moyen d’avoir le plus de points
  • La beauté du thème
  • La variété des moyens d’accumulation de points

On aime moins

  • Attendre après ses amis qui prennent leur temps
  • Avoir des amis impatients quand on prend son temps
  • L’absence d’interactions entre joueurs

 

Merci à Lion Rampant Imports de nous avoir fournit un exemplaire du jeu pour cette critique.

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