Rencontre avec les créateurs de Children of Zodiarcs

Kami et moi avons eu la chance de rencontrer Jason Kim, directeur créatif et producteur, et Samuel Daher, designer de jeux senior, de Cardboard Utopia pour jaser de JRPG et du premier jeu de leur studio – Children of Zodiarcs – qui fait présentement l’objet d’une campagne KickStarter. La campagne est déjà un franc succès, mais il reste quelques stretch goals qui en valent la peine. Allez voir ici.


Cardboard Utopia, une boîte montréalaise

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Nahmi, enlevée à son jeune âge et amenée à Torus par un riche noble fasciné par elle, Nahmi s’est enfuie et est devenue une cambrioleuse pour mieux survivre.

ADG : Vous avez fondé Cardboard Utopia, un projet super intéressant. Est-ce que ce sera une entreprise dédiée au JRPG ? Ou est-ce que vous aurez plusieurs types de jeux ?

Jason : Lorsque nous avons fondé Cardboard Utopia, c’était une façon pour nous et pour l’équipe d’explorer les idées que nous avions alors que nous travaillions dans d’autres studios. C’est aussi une façon d’explorer d’autres genres. Donc, non, nous ne serons pas dédiés aux JRPG ou aux RPG. Nous n’allons rester figés dans un seul genre. Mais nous avons des lignes directrices : nous sommes un studio qui fait des jeux avec des mécaniques bien précises, des jeux qui encouragent la discussion, des jeux dont on veut parler, avec des trames narratives profondes qui incitent l’analyse et que les joueurs voudront mieux comprendre à travers les indices que nous plaçons dans l’histoire.

Dans Children of Zodiarcs, par exemple, nous avons choisi ce genre parce que nous voulions un jeu dans lequel différents joueurs auraient différentes expériences. Par exemple, si nous parlons tous les deux, je pourrais te parler des différents genres de personnages ou de cartes dans mon jeu. Tu peux me parler du tien et nous pouvons échanger des idées. Des jeux qui vont motiver les joueurs à interagir en dehors du jeu. Pour moi, c’est un des grands éléments qui rendent les jeux intéressants, qui font qu’on continue à y penser même lorsqu’on a fini de jouer. On pense à l’histoire, aux mécaniques, à comment rendre les personnages meilleurs. Puis on voudra échanger là-dessus. C’est une façon d’impliquer le joueur dans le jeu de manière à ce qu’il aille un plus grand attachement et plus de souvenirs de ce jeu.

ADG : En un mot, des jeux mémorables !

Jason : Oui !


Les sources inspiration

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Brice: orpheline des secteurs les plus difficiles de Torus, elle est peut-être la personne la plus forte et résiliente de la ville.

ADG : Vous mentionnez souvent Shining Force et Final Fantasy Tactics comme de grandes influences, est-ce que vous en avez d’autres ?

Jason : Oui, certainement. Children of Zodiarcs a des éléments de JRPG tactique, mais aussi de jeux de société comme les cartes et les dés. Les jeux de société sont une grande influence. Pensons à Magic: The Gathering ou Arkham Horror. Magic pour la logique tactique très forte qui peut en émerger, la stratégie de construire son jeu, construire quelque chose qui est plus grand que l’addition simple de toutes ses parties, dont les éléments sont faits pour travailler de pair. Samuel, quand il fait son design, a passé des semaines à faire des recherches sur ces types de jeux, en plus de son expérience comme joueur et pour avoir travaillé sur Assassin’s Creed: Recollection qui est un jeu de cartes à collectionner de la franchise Assassin’s Creed. L’influence d’Arkham Horror est principalement dans l’expérience qu’on offre aux joueurs, dans la surprise, la tension et l’anticipation quand on roule les dés, l’utilisation d’items pour influencer les jets et pour améliorer ses chances de succès. Devoir faire des choix parfois difficiles.

Samuel : J’ajouterai aussi World of Warcraft: The Boardgame, un jeu qui prend environ 7 heures à jouer. Mais ils font des mécaniques vraiment bonnes avec les dés. Le joueur se soucie de ce qu’il a sur la table, de comment il a monté son personnage, les statistiques qui proviennent pourtant de jets de dés. Nous avons été très inspirés par ça. On s’est dit : « on va utiliser les dés pour interagir avec les cartes de façon toujours cohérente avec le personnage. Comme la stratégie qui est très organique pour les joueurs dans ce jeu de société.

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ADG : Il y a un autre jeu, paru récemment, qui est un peu similaire à Children of Zodiarcs, vous le savez, Card Hunter. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu’il s’agit d’une inspiration ?

Samuel : C’est un bon jeu !

Jason : Les deux jeux ont été faits en même temps sans qu’on le sache. Le design principal de Children of Zodiarcs était très avancé et allait dans la direction de ce que s’est aujourd’hui, mais il a été largement changé depuis, et pour le mieux, depuis que Samuel s’est joint à nous. Quand j’ai entendu parlé de Card Hunter, évidemment, je me suis dit come on ! Mais ce n’est pas grave au final. Il y a de nombreuses idées et même si on prend des éléments très similaires, leur traitement sera toujours différent. L’accent du jeu est très différent de celui de Children of Zodiarcs, la trame narrative est très différente. Ils ont fait un excellent travail. Ils se sont concentrés sur l’aspect de deck building qui est tout à fait unique. Children of Zodiarcs est plus centré sur la narration et sur l’inclusion des mécaniques avec les dés. J’y ai joué. Sam aussi. Toute l’équipe a joué. C’est un jeu amusant.

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Le futur des jeux tactiques

ADG : Pensez-vous qu’il y aura plus de jeux du genre dans le futur ? Est-ce que les jeux hybrides deviennent une nouvelle façon de faire les jeux tactiques ?

dicetypesChildrenOfZodiarcsJason : On voit beaucoup de digital boardgames en ce moment, sur mobile notamment. On voit beaucoup d’adaptation de jeux de société analogiques en jeux numériques. Mais, de plus en plus, on voit des jeux conçus pour les plateformes numériques, mais avec un design de boardgame. Ça permet beaucoup de choses, comme d’avoir des AI. L’approche de design est tout à fait celle de boardgame, mais ils réussissent à faire des choses qui seraient impossibles dans des boardgames purs. Le jeu peut faire tous les calculs à la place des joueurs et organiser les tours ; des choses qui brisent le rythme du jeu si les joueurs doivent les faire eux-mêmes. En version numérique, on peut se concentrer sur les éléments les plus significatifs des jeux. Inversement, on voit beaucoup de mécaniques issues des jeux de société être utilisées dans les jeux vidéo. Ce qui est génial parce que ces jeux offrent de vraiment bonnes expériences. Et on le voit surtout sur la scène du jeu indépendant.

ADG : Oui, justement. Vous venez du monde du jeu AAA que vous avez quitté pour suivre votre vision. Qu’est-ce que vous pensez de la tendance actuelle dans les studios AAA à refaire des RPG ? Récemment, on a eu Final Fantasy VII qui a été refait dans une version plus action ? Où pensez-vous que ça va ? Est-ce que les studios indépendants ont plus de chance de succès là-dedans ?

Samuel : Dans l’histoire des jeux, les RPG ont toujours été très rentables alors qu’ils sont à la limite de ce que la technologie permet de faire en termes d’expérience, bien sûr, mais aussi d’immersion dans l’univers, de comment on les explore. C’est vrai des action RPG, c’est vrai de plusieurs jeux. Même si on voit aujourd’hui des studios retourner vers des formes plus traditionnelles, ils vont quand même devoir être innovants, en tant que membres de l’industrie AAA. Les indépendants qui peuvent offrir un produit de qualité qui, sans changer le format complètement, proposent quelque chose de vraiment nouveau, dans son approche, dans le thème, dans le rendu, ils jouent avec la formule. C’est ce qu’on voit beaucoup sur Steam en ce moment. C’est un territoire que le AAA ne va pas occuper parce qu’il y a trop de risques. Les indépendants, eux, peuvent y aller. On le voit en ce moment et on le verra de plus en plus, contrairement à l’industrie AAA qui s’intéresse plutôt aux franchises et conserve des formules plus traditionnelles pour continuer à faire des profits. Il y a une mince ligne entre les idées dans lesquelles l’industrie AAA va investir ou non. Et nous sommes au parfait endroit, comme indépendants, où l’industrie AAA ne va pas. Je serais très surpris de voir un jeu non issu d’une franchise, hyper bien fait… Mais c’est quelque chose que les gens veulent.

ADG : Est-il trop tôt pour parler de marketing dans le cas de Children of Zodiarcs ? Quels sont vos plans pour le contenu, les missions supplémentaires, le DLC, etc. ?

Jason : Comme il s’agit de notre premier projet en tant que studio, nous n’avons pas de ventes d’un autre jeu pour nous soutenir. Tout ce que nous faisons, c’est pour Children of Zodiarcs. Nous tentons d’avoir une approche sensée. Nous pensons en termes de produit minimum viable, c’est-à-dire que tout ce que nous souhaitons faire, nous nous assurons que nous pouvons le faire et toujours offrir un jeu de qualité. Toutes idées supplémentaires doivent entrer dans nos contraintes et nous les plaçons dans nos priorités. Nous avons vu quelques-unes de nos idées revenir dans le projet grâce aux stretch goals que nous avons atteints dans la campagne KickStarter, comme l’arène de combat ou les discussions autour du feu de camp. Mais nous devions prioriser les idées. Avec les stretch goals, nous pouvons élargir le projet et reprendre quelques-unes des idées.

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Zirchhoff, à la tête d’un groupe de bandit, est un être charismatique et opportuniste, qui offre malgré tout asile aux orphelins de Torus.

ADG : Lorsqu’on parle de jeu de cartes à collectionner, tout le monde pense « microtransactions ». C’est comme un écho. Qu’en est-il ?

Jason : C’est simple, il n’y a pas de microtransactions. Des microtransactions, peu importe ce qu’on en dit, ça affecte le jeu. Ça affecte le calibrage du jeu. Et ce n’est tout simplement pas l’expérience que nous voulons offrir dans ce jeu.


Mécaniques de jeu

ADG : Au sujet du jeu plus particulièrement, pouvez-vous parler un peu de la progression ? Dans les JRPG, on s’attend généralement à beaucoup de grinding. Je comprends qu’il y a une progression pour les cartes, mais est-ce que les personnages ont une progression en niveaux ? Comment est-ce que ça marche ?

Jason : De la même façon que notre jeu est une fusion de jeu tactique traditionnel, de jeux de cartes et de dés, nous avons aussi une progression en 3 axes parallèles. Du point de vue tactique, les personnages ont une progression en niveau, oui. On peut augmenter le health et les stats, de façon assez traditionnelle. Du côté des cartes, lorsqu’un personnage monte de niveau, il aura accès à de nouvelles cartes et les cartes deviendront aussi meilleures. Les dés ont une autre progression. Tout au long du jeu, dans les combats, les joueurs seront récompensés avec des loot dice. Ces dés seront multiples, avec différents symboles, différentes forces. Il sera possible de les équiper sur les personnages, mais aussi de crafter des dés. C’est une autre façon de rendre le jeu vraiment unique à chacun. Ces trois choses travaillent de pair aussi : la progression du personnage donne accès à de nouvelles cartes, mais les rends aussi plus fortes, les dés renforcent les cartes et leur progression. Les victoires, ou plutôt les chances de victoires, sont augmentées par les trois éléments.

ADG : Est-ce que vous prévoyiez qu’il sera nécessaire de grinder un peu ?

Jason : Nous avons 2 approches à l’heure actuelle qui dépendent de l’atteinte du stretch goal pour le mode difficile. Si nous avons un mode difficile, nous voulons qu’il soit vraiment difficile. Nous pensons à différentes façons de faire. Une façon, c’est que les ennemis s’ajustent au niveau des personnages. C’est l’approche à laquelle nous pensons pour le mode difficile. Dans ce cas, le joueur grind, non pas pour être plus fort, mais pour avoir plus d’options, pour avoir plus de cartes. Dans un jeu de cartes, les options donnent beaucoup de pouvoir. Évidemment, dans ce modèle, le grinding est complètement optionnel. Mais dans le mode normal, nous pensons à une approche mixte. L’idée, c’est que si un joueur fait le minimum, il sera juste en dessous de la force requise. Il faudra donc mettre des efforts pour maximiser les points d’expérience, sans nécessairement grinder et sans faire les combats optionnels. Mais il faudra faire des choix intelligents et stratégiques. Donc non, le grinding ne sera pas nécessaire pour la quête principale, mais c’est aussi pour ça que nous avons du contenu additionnel. Comme l’arène de combat de l’Underworld. Un peu comme les Weapons dans Final Fantasy qui étaient les batailles les plus difficiles de tout le jeu. Elles sont optionnelles…

ADG : Mais elles font quand même partie de l’histoire !

Jason : Effectivement ! Et l’arène de combat fait aussi partie de la trame narrative. Ce ne sera pas juste un endroit où il y a des combats random. Nous travaillons à créer un lore qui ficelle le tout ensemble. Ce sera là pour ceux qui veulent plus de gameplay et de défis, mais aussi pour ceux qui veulent plus d’histoire.

 

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ADG : Est-ce que l’entièreté du jeu se déroule dans la ville de Torus ?

Jason : Oui. Nous croyons que c’est quelque chose que les joueurs vont aimer, puisque ça nous permet de créer un environnement vraiment complet, avec beaucoup de caractère et une histoire profonde. C’est la même raison qui nous a poussé à laisser 3 personnages à la fois dans les mains des joueurs et un nombre plus restreint que ce qu’on avait d’abord imaginé dans toute l’histoire, ce qui nous permet de mettre l’accent sur chacun d’entre eux. C’est la même chose pour l’environnement, en ayant moins de lieux, nous pouvons mieux les travailler. Nous avons un lore très riche pour chacun des districts de la ville qui peuvent être visités. Torus, c’est la ville capitale d’un empire immense. C’est une très grande ville dans laquelle il y a plusieurs lieux à explorer. Nous avons aussi un stretch goal pour de nouveaux environnements. Si nous l’atteignons, les joueurs auront accès à 4 différents lieux qu’ils pourront explorer à l’intérieur de la ville.

Les discussions autour du feu de camp pourront avoir lieu dans ces endroits et donner encore plus de profondeur à l’histoire. Au lancement du KickStarter, nous avions annoncé 2 districts : les quartiers nobles et les shambles. Aujourd’hui même, nous avons annoncé l’Underworld, un des districts qu’on avait bien hâte de montrer parce qu’il y a vraiment une abondance de lore pour cet endroit. C’est un lieu qui avait été abandonné et oublié pour des centaines d’années, à une époque où la technologie était à son plus fort. C’est aussi un lieu qui est en ruine parce qu’il n’a pas été utilisé pendant des centaines d’années. Les seules personnes qui y vont sont des voleurs et des brigands qui y font des magouilles, puis des cannibales qui y vivent. Les joueurs pourront y aller aussi. Donc, oui, c’est tout dans la même ville, mais ce sont des lieux avec une riche présence narrative.

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ADG : Nous avons tous bien hâte d’y jouer ! Merci de nous avoir fait découvrir votre univers.

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