Fantasy, fantastique, merveilleux : du pareil au même? Non, bien sûr, sans quoi on ne se poserait même pas la question. Pourtant, les nuances entre ces genres portent souvent à confusion et plusieurs les utilisent comme synonymes alors qu’ils n’en sont pas.
Au moment de la parution de mon récent billet sur mes personnages féminins préférés de Fantasy, un copain m’a demandé pourquoi j’utilisais le terme anglais fantasy plutôt que de parler de personnages fantastiques. S’en est suivi une longue, mais intéressante discussion sur la définition des fictions de genre, qui est à la base conscrite dans le domaine de la littérature, mais qui s’étend aujourd’hui tant au cinéma qu’aux grandeurs natures qui puisent nombre de leurs inspirations de ces œuvres.
Mais pourquoi tant de questions? Il y a sans contredit une confusion ici, qui est due à plusieurs facteurs, notamment à la similitude des thèmes et de leurs lexiques. Si en plus on joint la science-fiction à ce large ensemble des fictions de genre, les cartes se brouillent davantage. Il y a certainement une frontière floue entre fantasy et science-fiction, et il n’est pas toujours possible de bien marquer les limites entre l’une et l’autre. Pensons, par exemple, à une œuvre comme Star Wars. Le problème vient en partie de ce qu’on force les œuvres dans l’une ou l’autre des catégories, alors qu’elles ne sont pas toujours mutuellement exclusives.
Je vous propose donc des définitions sommaires et quelques exemples de chacun qui pourront alimenter vos prochaines discussions.
Le fantastique
La définition du fantastique la plus généralement acceptée est celle élaborée par le célèbre théoricien franco-bulgare Tzvetan Todorov. Dans son ouvrage Introduction à la littérature fantastique (Seuil, 1970), il avance que « [l]e fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles face à un événement en apparence surnaturel. » En d’autres mots, on définit le genre fantastique par l’intrusion du surnaturel dans un univers régi par les lois naturelles que nous connaissons dans le monde réel, intrusion qui provoque un doute chez le spectateur à savoir si l’événement s’est bel et bien passé ou s’il relève de l’imagination. C’est dans ce moment d’hésitation que le fantastique prend forme.
Le plus souvent, on associe le genre fantastique à l’horreur, justement parce qu’il repose sur un doute, sur une incertitude qui crée un malaise chez le spectateur. On place en fait le fantastique à mi-chemin entre le merveilleux (et la fantasy), qui accepte le surnaturel dans son cadre imaginaire, et l’étrange, dans lequel le surnaturel est jugé comme normal.
Grand représentant du genre fantastique, H.P. Lovecraft nous a donné l’œuvre phare du genre : Dans l’abîme du temps. On peut aussi penser à Dracula de Bram Stocker ou au Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde.
La fantasy
Héritière moderne du merveilleux (issu de la tradition orale), des contes de fées et des mythologies, la fantasy émerge comme genre à part entière vers le milieu du 19e siècle avec ses grands représentants, comme C.S. Lewis, Les Chroniques de Narnia, ainsi que son ami, le grand maître du genre, J.R.R. Tolkien, qui nous a offert Le Seigneur des anneaux, Le Silmarillion et Le Hobbit.
Par opposition au fantastique, dans les œuvres de fantasy, le surnaturel est accepté comme faisant partie intégrante de l’univers : les lois naturelles n’y sont plus nécessairement vraies. On distingue généralement la « low fantasy » — dans laquelle la présence du surnaturel est limitée, par un lieu ou par un secret par exemple, comme dans la saga Harry Potter — et la « high fantasy » — où le récit prend place dans un univers soumis à ses propres lois, complètement différentes des nôtres, comme dans Le Seigneur des anneaux.
Il existe en fait une panoplie de sous-genres à la fantasy : « epic fantasy », « medieval fantasy », « myth fantasy », etc. On ne traduit habituellement pas ce terme pour distinguer le genre de la fantaisie française.
Partant de ça, amusez-vous à classer vos lectures ou vos films préférés. Mais attention aux débats enflammés, les boîtes peuvent déborder!
Même au cégep, on ne m’expliquait pas cela aussi clairement.
J’aime bien la comparaison. Cette différenciation devrait être enseignée aux jeunes enfants dès le primaire. En fait, les institutions scolaires auraient grand besoin de réformer leurs manières d’enseigner. Elles pourraient s’inspirer de Poudlard par exemple. :)
Selon toi, devrait-on séparer le fantastique au cinéma du littéraire? Par exemple, le film Seigneur des Anneaux est classé dans le genre fantastique tandis que les livres sont du domaine du fantasy. Pourquoi ce soucie de catégorisation?
Ton style d’écriture est fluide et articulé. Ce fut un plaisir de te lire. Merci.
Merci LittleSocrate! :) C’est aussi un plaisir d’écrire.
Pour répondre à ta question, à mon sens, les catégories fantasy ou fantastique devraient être les mêmes que l’on parle de littérature, de cinéma ou de tout genre de fiction.
Dans le cas du film Le Seigneur des anneaux, on retrouve les deux classifications selon la source que l’on consulte. C’est, je crois, un bel exemple de la confusion qui existe entre les deux genres. En dehors du champ académique, ces (sur)classifications ne sont pas si utiles, j’en conviens. On force les choses dans des boîtes avec un résultat médiocre. C’est encore pire quand on entre dans les sous-genres, ça nous donne par exemple de la chick-lit vampire romance fantasy literature. o.O