Ça y est! Nintendo s’est lancé. Super Mario Run représente leur premier jeu officiel disponible sur téléphone iOS! Et au rendez-vous : de la frustration et de la controverse.
Fiche technique
- Type de produit : Platformer/Runner
- Éditeur : Nintendo
- Durée du jeu : relative
- Nombre de joueurs : un joueur
- Âge recommandé : pour tous
- Langue du produit : dix disponibles à l’heure actuelle (dont anglais et français)
- Disponible en français : au complet
- Prix: Les trois premiers niveaux et le mode « Toad Rally » sont gratuits, 14$ pour débloquer le reste du jeu
- Consoles : iOS (Iphone, Ipad)
- Site officiel du jeu: https://supermariorun.com/fr/index.html
- Connexion Internet constante requise pour jouer
Nintendo dans le monde du mobile
Créer un bon jeu pour mobile peut s’avérer assez délicat. Il faut considérer l’absence de réels boutons, la taille de l’écran, l’économie d’énergie et aussi le public cible. Ceux qui jouent sur mobile le font principalement entre deux ou trois activités quotidiennes, ils ne peuvent donc pas se permettre de longs segments. Puis, il y a aussi le prix. Les jeux gratuits en général sont encadrés avec un système de monétisation interne (pour se payer des avantages dans le jeu par exemple) et de publicités, tandis que les jeux payants sont généralement plus proches d’une expérience classique. Nintendo s’est donc lancé de plein fouet et nous a pondu un jeu à 14$. Débutons par le concept.
Super Mario Run est, comme son nom l’indique, un runner. C’est-à-dire que notre personnage court toujours vers la droite, par lui-même, et que notre intervention se limite à le faire sauter aux bons moments. La longueur/hauteur du saut dépend de la durée de notre pression sur l’écran. Mario enjambe automatiquement les ennemis et, si le joueur appuie au moment où il passe juste au-dessus, l’ennemi sera éliminé. Si le joueur fait preuve de coordination, il peut même atterrir directement sur eux et les écraser comme dans un Mario classique.
Chaque niveau (au total 24) comprend cinq pièces roses dans des endroits fixes. Les ramasser au complet d’un seul coup débloque les pièces violettes (plus difficiles à ramasser) et ensuite les pièces noires. Pour le reste, nous retrouvons ce qui fait un Super Mario un Super Mario : goombas, champignons cachés dans les blocs «?», Bowser et une princesse à sauver. Les niveaux sont assez courts, entre une et deux minutes en moyenne. Si Mario est «petit», il meurt instantanément et devient une bulle (icône de bulle à gauche du chronomètre sur l’image ci-haut) et glissera vers l’arrière jusqu’à ce que le joueur pète la bulle d’un coup de doigt pour reprendre le parcours. Chaque niveau, Mario commence avec deux bulles (il peut donc « mourir » au maximum trois fois). Prendre un champignon et grossir permet d’encaisser, comme à l’habitude, un coup supplémentaire avant d’être… embullé?
En dehors des niveaux, lorsque le joueur est suffisamment riche et a besoin d’une pause, il peut aussi s’amuser à décorer son royaume :
Certaines décorations ne peuvent être débloquées que dans certaines circonstances (j’y reviens plus tard), mais le joueur peut laisser aller son imagination et Nintendo a offert une bonne quantité d’options pour ceux qui se sentent créatifs. Bref, un jeu quand même complet dans l’ensemble…
Et là, j’étais fâché
S’il y a quelque chose qui me frustre dans le jeu vidéo, ce sont des décisions de design vraiment illogiques et Super Mario Run en est bourré. Les jeux de Super Mario sont reconnus pour offrir un défi qui dépend de la précision et de la bonne jouabilité. Bien que le jeu soit peaufiné à cet effet, il n’en reste pas moins que c’est frustrant d’essayer de sauter haut, mais que pour certaines raisons Mario a décidé d’être mou dans son élan et de rater la pièce rose que tu essaies de ramasser depuis dix minutes. Je n’ai jamais autant appuyé sur un bouton «recommencer» de ma vie. Certains y verront un défi et, objectivement, c’en est un, mais je préfère de loin que le défi se fasse avec une manette dans les mains avec un contrôle absolu de Mario que sur mon téléphone qui devient inconfortable au bout d’une quinzaine de minutes. Mario obéit uniquement à nos coups de doigts et fera le reste avec autonomie. Cet automatisme dans la jouabilité peut s’avérer désaggréable par l’absence de freins, surtout considérant la précision requise par moment. Appuyer trop longtemps peut nous coûter facilement une bulle. À cet effet, je vous recommanderais de fermer toutes notifications avant de lancer le jeu car oui, même dans les séquences intenses, vous pouvez recevoir des alertes devant votre écran de jeu.
Néanmoins, le tout reste tolérable à certains égards. La plus grande insulte demeure le «Toad Rally». Essentiellement, pour débloquer des décorations supplémentaires, un royaume plus grand à décorer ou d’autres personnages jouables, il faut jouer à ce mode supplémentaire. Je serais même porté à dire que le mode Rally représente 60 % du jeu. Il existe donc des Toad verts, rouges, roses, jaunes et bleus, et avoir un certain nombre de chaque (50 rouges et 50 bleus, par exemple) permet d’acquérir une décoration particulière ou un nouveau personnage jouable. D’ailleurs, chaque personnage débloqué (au total cinq dans le jeu) offre des variations dans les déplacements. Luigi, par exemple, saute plus haut et plus loin, ce qui facilite la collecte de certaines pièces roses.
Pour jouer au mode Rally, il faut dépenser un «Toad Rally ticket», obtenu en récompense ici et là ou en ramassant toutes les pièces de couleur (roses, violettes, noires comme mentionné plus tôt) d’un coup pour la première fois dans un niveau, donc en quantité limitée. Il est aussi possible d’en obtenir à travers certaines décorations uniques, mais c’est aléatoire et il faut jouer au mode «Rally» pour pouvoir débloquer ces récompenses en question.
Le mode Rally pousse le joueur à compétitionner contre un autre joueur fantôme dans certains niveaux (il semblerait donc que nos performances soient enregistrées à un certain moment). Faire de petits tours de passe-passe (triples sauts, rebondir sur les murs, écraser des ennemies) amène des encouragements de Toads. Celui qui a ramassé le plus de pièces et qui a eu le plus gros public gagne les Toads de l’autre. Et, si le joueur a le malheur d’échouer, il perd des Toads qu’il avait déjà précédemment gagnés.
Le joueur est doublement pénalisé ici : il faut un billet pour jouer (en quantité limitée je vous le rappelle), mais, en plus, le joueur perd son progrès s’il est vaincu. Nintendo n’a pas pris soin non plus de filtrer les opposants et de réunir des joueurs de mêmes calibres. C’est un fourre-tout pêle-mêle, tout le monde ensemble. En trois minutes, j’ai joué contre une limace qui n’arrêtait pas de tomber dans le même trou, puis contre un Asiatique qui faisait des quadruples sauts tous les trois mètres, digne de quelqu’un qui a déjà fini le jeu trente fois. Beau calibrage des difficultés, Nintendo.
Donc je me suis retrouvé à utiliser mes billets contre des opposants qui me faisaient aussi perdre mes Toads, et ainsi de suite. Même si je ne mourais pas et que j’exécutais une très belle performance, les pièces vont faire toute la différence et vous allez vous en vouloir de rater CETTE PIÈCE qui donne un bonus ou CETTE étoile qui vous rend invincible temporairement. Il n’y a pas de «recommencer» ici, ou bien vous quittez et perdez des Toads à mi-chemin, ou bien vous perdez et vous rendez compte que vous avez gaspillé votre billet et vos Toads contre un opposant sans savoir si vous étiez de taille avant de vous lancer, ou bien vous gagnez.
Autrement dit, débloquer les personnages jouables et le reste du contenu du jeu dépend de vos performances contre d’autres joueurs (qui seront forcément meilleurs que vous éventuellement) et d’un item en quantité limitée (les billets). Cette compétition peut aussi vous amener à perdre votre progrès et tous vos billets.
Pourquoi, Nintendo? P-O-U-R-Q-U-O-I?
J’ai payé 14$ pour un jeu dont une partie du contenu m’est bloqué tant que je n’aurai pas retrouvé d’autres billets. Ceci n’a aucun sens. La mécanique des billets serait quelque chose que nous verrions surtout dans les jeux gratuits où il est possible d’en acheter, mais dans un jeu complet payant, c’est simplement illogique, surtout considérant l’importance de ce mode et qu’il s’agit de la seule façon de débloquer trois des six personnages jouables. Et, même si le mode « Toad Rally » est accessible dans la version démo gratuite, on en a vite fait le tour puisqu’il n’évolue pas contrairement à la version payante.
Ce mode de jeu m’a donné envie de lancer mon téléphone. C’est déjà un défi en soi de maîtriser un Mario lourd qui court automatiquement, si, en plus, je dois jeter des billets virtuels par la fenêtre afin d’être en compétition contre d’autres joueurs pour pouvoir décorer mon royaume OU jouer au mode «Tour» avec d’autres personnages, cela me fait largement regretter mes 14$. A priori, je ne suis pas contre un jeu payant, même sur mobile, c’est la confusion entre les deux modèles de monétisation qui dérange.
Ce que je pense de Super Mario Run?
Sincèrement, je suis mitigé. Le jeu est solide dans sa structure : nous y retrouvons la célèbre touche Nintendo. Autrement dit, tout est stable, riche, bien fait, et le design des niveaux est superbement travaillé. En dehors de quelques problèmes de déconnexion, le jeu fonctionne très bien.
Cela dit, le design des mécaniques et du contenu seraient à revoir.
Ceux qui sont habiles dans les jeux de plateformes et qui ont plus de dextérité que moi pourront y trouver quelque chose d’agréable à «sauter au bon moment». Compléter les niveaux du jeu et ramasser les pièces de couleur est très bien peaufiné, il y a une bonne rejouabilité, mais le jeu ne vaut pas 14$ selon moi. J’y ai joué pendant tout juste trois jours et je suis déjà lassé. Ramasser les pièces de couleur devient vite frustrant puisqu’il faut recommencer le niveau au complet chaque fois qu’on en rate une, parce que Mario ne saute pas assez haut ou trop en retard. Rapidement, je n’ai plus eu de billets pour le Rally et, pour dire le vrai, je ne ressens pas le désir de décorer davantage mon royaume. Que reste-t-il pour moi dans ce cas? Pas grand-chose.