Lorsque je magasine une bande dessinée, j’oriente généralement mon choix selon une variété de critères. Je recherche des auteurs réputés, ou encore des volumes aux graphismes et aux synopsis recherchés, expérimentaux ou tout simplement uniques. Je feuillette, j’analyse et je finis par faire un choix. Dans le cas présent, je n’ai que lu le titre et c’était clair, j’achetais sans me poser plus de questions. Punk Rock Jesus! Avouez, c’est accrocheur! Dessiné et scénarisé par Sean Murphy, qu’on a pu voir impliqué dans des projets tels que American Vampire, Teen Titans ou encore l’adaptation BD de Shaun of the Dead, Punk Rock Jesus fut d’abord publié en 6 numéros, de septembre 2012 à janvier 2013, pour ensuite être regroupé en un volume en avril 2013, ce qui donne un total de 224 pages.
Donc, un titre racoleur soit, mais qu’en est-il du contenu? En gros, une puissante corporation télévisuelle met la main sur l’ADN du Christ, leur permettant, via une association avec quelques scientifiques de renom, d’ensemencer une jeune vierge qui donnera naissance à un clone de Jésus. Évidemment, le tout se déroulera en huit clos, filmé 24 heures sur 24. Loft Story rencontre Le jour du seigneur! On nous offre une histoire de science-fiction, se déroulant en 2019 et empruntant largement au genre action. L’auteur semble avoir choisis de situer l’histoire dans un futur proche afin que l’on puisse s’y reconnaître. En effet, de manière générale, l’univers regroupe des architectures et technologies qui nous sont familières. Cependant, on constate aussi plusieurs éléments plus fictifs, une science plus poussée et une société érodée, au bord de l’éclatement.
Les premières pages donnent le ton : un enfant effrayé qui assiste au meurtre violent de ses parents. Cet enfant, appelé Thomas, deviendra le garde du corps du nouveau prophète, 25 ans plus tard. Cela apparaît nécessaire, car les foules veulent atteindre cette vedette internationale. Alors que certains voudraient lui quémander un miracle ou simplement être en contact avec une personnalité mondialement reconnue, d’autre jugent son existence comme une abomination inacceptable. N’est-ce pas l’apothéose de jouer à Dieu que de cloner son propre fils? Au fil des pages, nous assistons à la naissance, ainsi qu’à la croissance de ce nouveau messie, nommé Chris, qui, comme vous pouvez vous en douter, se rebellera face à son destin. C’est ici que le titre prend tout son sens, car celui-ci s’échappera des studios afin de devenir chanteur d’un groupe punk rock contestataire et irrévérencieux. Cette attitude provocante de la part de celui dont plusieurs espéraient voir le nouveau Seigneur causera une onde de choc! Au fil du récit, nous en apprenons aussi un peu plus sur le passé tourmenté de Thomas, de même que les motivations des différents acteurs impliqués dans le projet télévisuel d’envergure tel que la maman et le producteur.
Il est fascinant de voir comment l’auteur combine deux sujets (la religion et la télé-réalité) qui, en apparence différents, contiennent plusieurs similitudes. La venue de l’émission rassemble les masses, certaines pour admirer, certaines pour contester ou d’autres, simplement pour trouver des réponses. Évidemment, une grande partie de l’intérêt repose sur Chris, à qui on impose un immense fardeau, celui d’être le nouveau sauveur. Au fil de ses actions, on peut se questionner : est-il un Jésus moderne? Un antéchrist? Ou plutôt un être humain qui, dans un contexte imposé, tente simplement de trouver son identité? À travers ces questionnements, on nous balance plusieurs séquences d’action déjantées, des dialogues mordants et des images saisissantes. Punk Rock Jesus relève le défi de combiner des antithèses, de jouer avec des thèmes opposés et d’amener des images surréalistes sans sombrer dans le grotesque ou le ridicule. Le tout est mené habilement et le côté explosif hollywoodien se marie la plupart du temps assez bien avec le côté plus sombre et sérieux.
Je dis la plupart du temps, car le récit est parfois inégal. Les transitions ne se font pas toujours bien et du coup, un moment d’une grande intensité peut se terminer en queue de poisson. De manière générale, cela ne nuit pas à l’intérêt du lecteur, mais peut cependant ébranler l’immersion ressentie. Dans un même ordre d’idées, certains flash-backs dans le passé de Thomas peuvent apparaître difficiles à comprendre au sein de la série des événements présentés. Le lecteur peut se demander quel en est le rapport, bien que ceux-ci soient fort intéressants. Cela dit, on ne peut vraiment critiquer cet élément, car, en fin de parcours, tout se dénoue et la pertinence de ceux-ci devient plus claire.
Bref, Punk Rock Jesus est une aventure délirante, satirique, et captivante. Parsemé d’humour noir, de séquences trash et de personnages fouillés, on traverse l’aventure d’un trait! C’est définitivement à découvrir.
BILAN
+ originalité
+ graphismes
+ ratio action/histoire
– légère confusion à certains moments
– quelques inégalités dans le récit
Note : 9/10