Critique – Shiness, un (J)RPG français!

Shiness

Après quelques mauvaises expériences, j’ai tendance à me méfier des jeux vidéo sociofinancés. Cependant, Shiness m’a séduit par sa qualité graphique et sa promesse d’être un action-rpg inspiré des jeux de rôle japonais, genre que j’affectionne particulièrement. Je dois avouer que j’ai été déçu, mais pas parce que ces promesses n’ont pas été tenues!


Fiche Technique

  • Développeur : Enigami
  • Éditeur : Focus Home Interactive
  • Plateformes : PC / PS4 / Xbox One
  • Nombre de joueurs : 1
  • Type de jeu : action-RPG
  • Prix de base : 37,99 $ (Steam), 39,99 $ (PS4/Xbox One)
  • Disponible en français : oui (sous-titres)
  • Extensions : non

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Aspect visuel

Je vais débuter en m’épanchant sur l’aspect visuel du jeu, sans aucun doute son meilleur atout. Les paysages sont superbes, les personnages sont bien conçus, l’univers est construit d’une manière cohérente… Chaque recoin est rempli de détails comme des tableaux, schémas, plans dans un laboratoire ou encore des animaux sauvages à capturer dans les plaines. Les décors sont riches, parfois même un peu trop; malgré leur linéarité, il est parfois difficile de déterminer où est le chemin sans regarder la carte, notre œil étant attiré par tant d’éléments à la fois.

Il est possible de se rendre sur n’importe quelle surface vaguement horizontale de cette image. Encore faut-il trouver le chemin!

Les personnages sont passés à l’ombrage de celluloïd (cel-shading pour les intimes), ce qui n’est pas le cas de l’environnement. L’effet est assez agréable à regarder, même si le contraste entre les deux styles peut devenir un peu tape-à-l’œil dans certaines situations – par exemple, lorsqu’on est entourés de végétation.

Genre là, par exemple! Il est à noter qu’en jeu, le crénelage des bordures noires des personnages paraît beaucoup moins que dans les captures d’écran, étant donné le mouvement constant des personnages.

Les séquences importantes d’histoire sont contées en bande dessinée dynamique, avec des cases se superposant les unes par-dessus les autres avec des voix et des effets sonores. Cette façon de faire est à la fois originale, très efficace et s’inscrit parfaitement dans l’hommage au manga japonais dont Shiness se réclame.

Que ce soit pour des moments de combat ou chargés en émotion, les parties en bandes dessinées sont rythmées et très bien réalisées. Les cinématiques en animation 3D souffrent de la comparaison.

Combats

Les combats sont un autre aspect très réussi de Shiness. Le jeu mélange habilement des caractéristiques des RPGs japonais (attribuer des techniques, des sorts et de l’équipement à une équipe de personnages) à un système de combat inspiré de jeux de combat : uniquement des duels, un bouton pour les coups de poing et un autre pour les coups de pied et des enchaînements rapides de touches à connaître par cœur. Le combat au corps-à-corps est plutôt basé sur les réflexes : parer et riposter au bon moment, esquiver… Combattre en utilisant la magie, au contraire, nécessite moins de technique et plus de tactique : pas de multiples boutons à appuyer dans le bon ordre, mais le bon sort à choisir parmi quatre au bon moment, tout en prenant du temps pour recharger son shi, la mana du jeu.

Les premiers combats seront fatiguants

Point négatif : les combats sont plutôt ennuyants durant les premières heures de jeu, puisque les personnages ne peuvent que donner des coups et n’ont qu’un ou deux sorts. L’histoire démarre également assez lentement et manque de rythme. Heureusement, après une dizaine d’heures, le jeu devient rapidement plus intéressant, puisque la variété de techniques accessibles explose. Les personnages n’apprennent pas ces dernières en montant simplement de niveau, mais en s’équipant de livres associés à un sort ou un combo particulier. Cependant, seulement deux livres peuvent être équipés à la fois. Pour pouvoir utiliser une technique sans être équipé du livre qui y est associé, il faut l’utiliser en combat à répétition. Cela oblige le joueur à se pratiquer avec une variété de personnages et à adapter sa stratégie en fonction de ce que ses personnages sont en train d’apprendre.

Le héros, Chado, se bat contre un des premiers ennemis du jeu. Pour l’instant, il ne peut que donner de simples coups de poing et de pieds…

Un système dynamique et refraîchissant

Le résultat est un système de combat dynamique et rafraîchissant, bien que certains aspects mériteraient d’être peaufinés. Par exemple, il peut devenir répétitif lorsqu’on affronte un groupe de trois ennemis identiques; étant donné qu’on ne peut affronter qu’un adversaire à la fois, on doit se battre trois fois de la même exacte façon. Un système de combat en équipe aurait pu pallier à ce problème, ainsi qu’au fait que Shiness oblige le joueur à maîtriser la variété des styles de combat des personnages, même ceux qu’il préfère moins, étant donné que chaque personnage sera très bon dans certaines situations et désavantagé dans d’autres. Cet effet est accentué par l’aspect punitif du système, dès que la difficulté monte d’un cran : une parade ratée, un personnage mal adapté contre l’ennemi et c’est la mort.

Chado se voit obligé d’utiliser la magie contre un ennemi immunisé aux dégâts physiques. Malheureusement, les membres de l’équipe plus doués en magie ne sont pas disponibles à ce moment de l’histoire! (Mais bon, j’ai quand même gagné le combat, le monstre était niveau 5 et moi, 21…)

La magie VS le Corps-à-corps

De plus, j’aime beaucoup le système de combat magique, mais je regrette qu’utiliser la magie soit si contraignant par rapport au corps-à-corps. En effet, avant de pouvoir infliger des dégâts, il faut accumuler du shi de l’élément du sort qu’on souhaite lancer, ce qui nécessite d’attendre que l’affinité élémentaire du terrain soit dudit élément. Les sorts sont également beaucoup plus efficaces lorsque l’affinité élémentaire du terrain correspond à leur propre élément. Celle-ci change automatique au bout de quelques secondes, alternant entre deux éléments selon le type de terrain. Par exemple, le désert alterne entre le feu et la terre, alors qu’une plaine proche d’une rivière alterne entre l’eau et l’air.

Cependant, chaque personnage n’est bon qu’avec un ou deux éléments, ce qui rend forcément notre personnage préféré inutile dans certains donjons. Il est également possible de se faire renvoyer son sort à la figure si l’adversaire pare. On peut faire de même avec les sorts ennemis, mais la barre de tension, utilisée pour parer, ne se recharge qu’en combattant au corps-à-corps! Elle est également la ressource utilisée pour le Hyper, le coup ultime de chaque personnage. Il est donc nécessaire pour les personnages axés vers la magie d’aller régulièrement combattre en mêlée.

Tout cela pourrait se justifier si la magie était bien plus puissante que les coups normaux, mais ce n’est pas le cas. Dans Shiness, il est généralement bien plus rapide de terminer un combat en donnant des coups de poing et de pied, sans se préoccuper de l’élément du terrain ou de sa réserve de shi. Or, chaque combat est noté, et selon mes observations, achever rapidement son adversaire mène à une meilleure note.

Quelques problèmes de caméra

À la sortie du jeu, le combat souffrait cependant de graves problèmes de caméra. En effet, celle-ci avait tendance à se placer directement derrière l’ennemi au fil du combat, rendant la perception de la profondeur difficile. Or, celle-ci est essentielle pour parer les sorts de l’adversaire et les renvoyer à l’expéditeur. Heureusement, les développeurs ont réglé le problème grâce à une mise à jour permettant de choisir entre deux modes de caméra, automatique ou manuel.

Ici, on a un exemple (avant patch) où la caméra réussit l’exploit de faire un gros plan sur le plancher en plein combat.

 

Narration et personnages

L’histoire de Shiness est assez standard pour un RPG : le personnage principal, doté d’une capacité exceptionnelle, aide une princesse malgré des magouilles politiques. Il s’agit plus d’un hommage à ses inspirations que d’une tentative d’innovation. Elle est assez agréable à suivre, particulièrement lorsqu’elle est racontée en bande dessinée. Cependant, comme dit plus haut, l’histoire démarre très lentement et la durée de vie est artificiellement rallongée par des allers-retours à travers de grands pans de carte. La durée de vie du jeu est assez longue pour un jeu indépendant, bien que court pour les JRPGs dont il s’inspire : à moins que vous souhaitiez vraiment tout explorer, le jeu sera fini en une trentaine d’heures maximum.

Des personnages bien réalisés

Les personnages sont bien conçus, bien réalisés, bien doublés. Bien qu’ils répondent à des archétypes classiques de JRPGs, ils ont néanmoins leur originalité et caractère propre qui s’incarne dans leurs capacités. Par exemple, Poky est l’ami de Chado, le héros, et peut sembler au premier abord un faire-valoir rondouillet et maladroit servant à faire rire. Il est cependant un ingénieur hors pair et se découvre un talent pour la manipulation du shi, ce qui lui donne une profondeur bien plaisante qui se reflète de surcroît dans son style de combat alliant magie et mécanique.

Un ingénieur dont la silhouette sort des allumettes qui peuplent habituellement les JRPGs, tout en ayant des moments vraiment badass? J’AIME!

Une histoire au rythme lent

Il est cependant dommage que le rythme de l’histoire soit souvent cassé par de nombreuses énigmes à résoudre en utilisant les différentes capacités des personnages. Par exemple, Chado peut invoquer un menhir pour activer des boutons, tandis qu’un autre personnage a le don de télékinésie. Les énigmes ne sont pas vraiment difficiles, mais encore faut-il savoir qu’elles existent. Les éléments comme les dalles sur lesquelles déposer des menhirs ou les objets qui peuvent être contrôlés à distance sont parfois un peu trop discrets, menant à des situations où je restais coincé dans un donjon quinze minutes à tourner en rond à chercher ce que j’avais manqué, en essayant tous les pouvoirs sur tous les objets. Même si j’avais très envie de connaître la suite de l’histoire, la fréquence à laquelle ce genre de situation se produisait m’a fait fermer le jeu pour prendre l’air quelques fois!

 

Conclusion

Shiness est un jeu qui a de bonnes idées, comme l’intégration de bandes dessinées dans la narration ou le mélange habile de plusieurs genres. En effet, celui-ci séduit facilement grâce à sa direction artistique excellente. Cependant, il a autant de grandes forces que de cruelles faiblesses, dont la première est le manque de finition. D’ailleurs, il paraît après quelques heures de jeu, lorsqu’on rencontre soudainement un ennemi bien plus difficile que les autres et qu’on regrette l’absence d’option pour ajuster la difficulté, ou encore lorsqu’on tombe sur des bogues graphiques, comme des personnages qui lévitent à deux mètres d’une falaise.

Il est facile de passer outre ces bogues. Il est moins facile de tolérer la lenteur de la narration au début de l’histoire et la surabondance « d’énigmes » du genre « trouver la dalle sur laquelle mettre un menhir ». Les combats sont bien faits et maintenant bien plus agréables depuis la correction de la caméra. D’ailleurs, les développeurs semblent cependant vouloir continuer de travailler sur le jeu. Si c’est le cas, j’ose espérer que certains problèmes mentionnés ici seront résolus, faisant de Shiness un bien meilleur investissement de temps et d’argent!

 

On aime :

  • La direction artistique époustouflante
  • On nous offre des personnages attachants et originaux
  • Le système de combat dynamique et varié (après quelques heures de jeu)
  • Une superbe trame sonore

On aime moins :

  • Trop d’énigmes se résument à « trouver quel pouvoir utiliser et à quel endroit »
  • L’histoire démarre lentement
  • Un peu cher pour un jeu de cette longueur
  • On reste souvent coincés, que ce soit en raison d’un pic de difficulté ou d’une énigme un peu trop bien camouflée

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