C’est à l’été 2009, lors d’un voyage en avion aux États-Unis, que le projet s’est concrétisé. Ce n’était certes pas la première nouvelle que j’écrivais, sur le papier ligné où glissait mon crayon, mais c’était le premier réflexe involontaire où je me suis dit : « celle-là, je vais assurément la publier ». Elle s’intitulait déjà « Quantum States » dans sa première version. C’est la première nouvelle littéraire du recueil que j’ai publié en novembre dernier à compte d’auteur Movements in the Ether.
Pendant un certain temps, je me suis refusé à écrire cet article, parce que je me disais : « tu dois te détacher de l’aspect commercial de ton oeuvre ». Tu ne dois pas utiliser la plate-forme de l’Antre du Geek pour mettre en valeur ton œuvre. Ce n’est « pas correct ». C’est du favoritisme. Et puis, je me suis dit : « si, toi, tu n’en parles pas, personne ne va le faire à ta place ». Ou c’est quelqu’un qui m’a dit ça. J’oublie.
La vérité, c’est qu’écrire et publier, ce sont deux mondes totalement différents. Alors, pourquoi ne pas vous partager un peu de l’apprentissage que j’ai fait aux différentes étapes de la publication de mon œuvre au cas où il vous prendrait l’envie de faire de même.
Comment j’ai commencé…
En janvier 2014, je n’avais pas d’emploi fixe et beaucoup de temps à tuer. J’avais quatorze nouvelles littéraires qui dormaient dans mes tiroirs (sur le coin de mon bureau en fait). J’ai fait le calcul dans ma tête et la réponse a été positive. Je me suis donc attaqué au problème de finaliser tous ces textes, de les organiser dans une grande trame (presque) logique (j’en ai gardé un certain nombre). Et puis, j’ai remis le tout à des amis pour qu’ils le lisent, commentent, amendent, recommandent, corrigent. Bref, pour qu’ils en fassent le tour. Jusque là, rien de trop compliqué.
Ça aura pris quatre mois avant que les textes ne me reviennent avec tous les commentaires (pertinents ou impertinents, c’était à moi de voir). Heureusement, ma situation professionnelle avait à peine évolué. Il était temps de se lancer (après une révision complète, naturellement).
Lorsqu’on tente de publier son œuvre soi-même (j’ai préféré cette option à l’envoyer à toutes sortes de maisons d’édition, d’en attendre leurs commentaires, acceptation ou refus – le second étant plus probable statistiquement) parce que je voulais publier dans l’année et que les éditeurs ont des délais d’impression qui peuvent aller d’un à deux ans, ce qui est normal considérant le volume de livres qu’ils sortent. Je ne me sentais pas non plus l’échine assez forte pour essuyer un refus. Enfin, l’auto-édition est maintenant un modèle viable de publication grâce à Internet.
Et c’est à ce moment que j’ai rencontré mon ami le Bureaucrate. Il m’a ouvert les yeux sur la réalité de la publication, certaines choses que je savais déjà, d’autres qui se sont éclaircies au fur et à mesure de notre relation amour-haine.
Dans les griffes du Bureaucrate
Cet être immonde n’a de malin que son existence, et non sa nature. Ce n’est pas de sa faute s’il nous mine le moral avec toutes ses exigences légales. Il répond à des règles strictes dont il ne peut se détacher.
J’ai dû m’acquitter de mes droits d’auteur. Pour ce faire, j’ai dû me créer un compte sur le site gouvernemental. Comme je publie sous un nom de plume (le même que j’utilise ici), il m’a fallu trouver comment associer les deux noms de façon légale. C’est plus facile qu’on pense. Il suffit de mentionner les deux noms quand on remplit le formulaire. 50 $ plus tard et le tour est joué, avec un beau certificat en prime.
Il ne suffit pas de publier. Il faut aussi distribuer. Je me suis associé avec un distributeur, BouquinPlus, qui s’occupe de faire la vente de mon livre, format papier ou électronique, en vente sur leur site internet et les autres diffuseurs (Amazon, Kobo, etc.) Mais notez bien : ils en font la vente, pas la promotion. Je suis responsable de faire ma propre publicité. J’en reparle plus loin.
On ne peut pas non plus imprimer n’importe quel texte n’importe comment. Il faut avoir le bon format. Mon distributeur m’a également mis en contact avec un monteur qui s’est occupé de l’assemblage de mon œuvre. Ce n’est pas gratuit, ce service (j’ai dépensé environ 200 $, incluant la mise en page électronique). Mais le travail a atteint toutes mes attentes, alors c’est un bon investissement.
Finalement, mon distributeur m’a mis en contact avec un imprimeur. J’ai fait une commande, ils m’ont fait un prix fixe pour le tout (plus on en veut, moins chaque exemplaire coûte cher), cent exemplaires (ce chiffre provenait de la prévente de mon livre; j’ai contacté mon réseau et passé une commande pour chaque personne qui souhaitait m’encourager, et j’ai rajouté des exemplaires pour atteindre un chiffre rond).
Je pensais, à ce moment, que tout allait bien et que mon rêve allait se concrétiser sans autres anicroches. J’avais négocié à l’amiable avec mon ami le Bureaucrate. Belle illusion.
La chasse est lancée
Comment ça, je n’avais pas fini? Que me restait-il à faire? C’est mon Comptable (et celui qui fait mes impôts) qui m’a ramené à l’ordre. Je vais devoir dépenser de l’argent pour ce livre-là. Je vais aussi toucher un revenu de la vente. Ça se compte, ces chiffres-là!
Chaque exemplaire que j’ai précommandé, je l’ai payé de ma poche. Je devais donc me le faire rembourser. J’ai donc préparé la chasse au lecteur, mais je ne pouvais pas l’entamer tant et aussi longtemps que je n’avais pas réglé un problème majeur.
Mais c’est qui, François Day, et pourquoi je m’intéresserais à lui? La célébrité, ça ne se vend pas au coin de la rue. Ça se paie. J’ai donc organisé deux lancements, le premier à Sherbrooke (ma ville), le second à Montréal. Il y a eu des frais : réservation de la salle, abonnement au service, frais d’impression des papiers (dossier de presse entre autres, car j’ai pris la peine de contacter presque tous les médias locaux – c’est simplement triste qu’aucun ne se soit pointé au lancement ou n’ait même donné signe de vie ou d’intérêt).
Le lancement a quand même été un succès aux deux endroits – merci ArtFocus (Sherbrooke) et La Bastringue (Montréal) – grâce à la chaleureuse présence de mes amis (et de Madame Bou, pour ceux qui la connaissent), sans oublier les biscuits de ma Douce et les truffes de mon Empereur.
Alors s’entame la traque sans fin. Car tous ces gens qui convoitent une œuvre, il faut la leur faire parvenir. Certains sautent de joie. D’autres s’éclipsent, comme s’ils craignaient la contamination par les mots. Pour moi, chaque livre qui se rend à destination contribue à mon bonheur, car, pour l’instant, je me noie sous le poids de mes dépenses et seule la rentrée d’argent qui m’est dû me permet de rafistoler mon rafiot de temps en temps afin de ne pas couler de façon permanente. Et puis, il y a aussi eu les envois lointains. Ça coûte cher en graines, des pigeons voyageurs porteurs de livres!
Et pour gérer le tout, mon Comptable me dit : « fais une compagnie de toi ». Deviens un numéro! Alors je le fais et s’ajoute à l’imbroglio un nouveau palier de taxes tout neuf dont je devrai m’acquitter pour l’année de publication (du moins, en théorie, car, jusqu’à maintenant, je n’ai pas fait de profit avec mon œuvre). Mais je suis fier d’être une compagnie, mon propre patron et mon propre employé. Reste à arrêter de se chicaner.
Épuisé, éreinté, il me reste encore une dizaine de copies non réclamées, quelques-unes qui n’ont pas encore été vendues (mais qui attendent le lecteur potentiel chez un distributeur local). Je rame d’une main et, de l’autre, je continue de vider mon embarcation afin de la garder à flot.
Et une fois la saga terminée…
Depuis janvier, je travaille à temps plein. Je n’ai donc pas le temps que j’avais l’an dernier à investir dans une œuvre. Mais j’ai promis à mon public une autre œuvre à l’intérieur d’un an, et c’est bien ce que j’entends produire. Mais il va falloir que je refasse ma planification, et que je gère ma méthode de fonctionnement.
Clairement, j’ai besoin de meilleure publicité. Je n’ai pas rentabilisé mon investissement avec ce livre – je n’ai pas vendu assez d’exemplaires en comparaison aux dépenses effectuées. Heureusement, le déficit est minime, et c’était un premier lancement sur lequel je peux bâtir. Et malgré tous les écueils, j’entends bien tenir ma promesse, pour moi autant que pour ceux qui espèrent encore se plonger dans mes univers farfelus. Je ne pourrai plus me permettre de payer les frais d’envois postaux; ils sont trop dispendieux. Mes futurs amis perdus de par le monde, loin des grands centres où je peux me rendre, devront attendre une occasion spéciale de visite ou commander par eux-mêmes sur le site de mon distributeur.
Le tout reste, en fin de compte, un beau rêve et une belle réalisation dont je suis fier. J’espère que ces quelques lignes ont pu démystifier votre compréhension des différents aléas de l’autopublication. Pour ma part, elles m’ont permis de jeter un regard au trajet parcouru. Merci à tous ceux qui m’ont encouragé et dites-vous que ma vengeance sera terrible… euh… je veux dire, à la prochaine lecture!
Pour vous procurer mon livre, vous pouvez consulter ma page personnelle au lien suivant :
http://fideweb.weebly.com/oeuvres-publiees.html
Ou communiquez directement avec moi et je vous en commanderai un exemplaire dédicacé avec plaisir.