Depuis mon adolescence, j’ai toujours eu une fascination pour le look des docteurs anti-peste utilisés dans les œuvres de fiction. Je trouvais que leur masque était magnifique et que ces personnes émettaient quelque chose de mystérieux. D’ailleurs, c’est justement pour cette raison que je me suis procuré un masque de cuir du genre il ya plusieurs années. Celui-ci m’appelait, je l’ai donc acheté dans l’espoir d’en jouer un éventuellement. Hé bien, j’ai finalement découvert un tout nouveau jeu de rôle sur table pour moi. Un jeu qui me permettrait de me mettre dans la peau d’une brigade de docteurs cherchant à se débarrasser d’une peste monstrueuse. Aujourd’hui, je vous présente le jeu de rôle Macadabre. Bonne lecture!
Fiche Technique
- Type de produit : jeu de rôle
- Sous-genre : médiéval-fantastique, horreur
- Date de publication : 7 avril 2017
- Auteur : Anthony « Yno » Combrexelle
- Éditeur : Mister Frankenstein
- Nombre de pages : 140
- Prix approximatif : 30 $ pour la version « hardcover », 10 $ pour la version PDF
- Disponible en français : oui
- Extensions : non
- Quelques liens utiles :
C’est quoi, ça?
Macadabre est un jeu de rôle médiéval-fantastique sombre et horrifique pour adultes consentants appréciant l’outrance et le sang. C’est une expérience old-school et extrême aux règles injustes et cruelles où 1 à 12 Docteurs, n’ayant pas peur de violenter leurs habitudes de joueurs, explorent une province et affrontent des bestes en risquant leur âme et leur vie.
D’ailleurs, le livre qu’on nous offre est assez petit comparé à la majorité des jeux de rôle disponibles sur le marché. En effet, on prend une approche beaucoup plus axée sur l’histoire et le roleplay que sur de lourdes règles. La créativité des joueurs et du maître de jeu est grandement encouragée.
Qualité de l’univers proposé
Pour commencer, je dois dire que l’univers qu’on nous présente se passe sensiblement à la même époque que la période de la peste noire. En fait, la province de Saint-Voile est corrompue par une peste, qui transforme les gens en créatures maudites, surnommée la malemort. Pour faire bref, c’est une ambiance sombre, lugubre, gore et terrifiante qu’on nous propose, où la mort nous guette à chaque action. Pour les joueurs, ceux-ci découvriront la région et ses mystères au fil du temps.
D’ailleurs, ce monde est superbe, et on ne nous bombarde pas d’un millier de références, de lieux ou de personnages complexes. Le livre nous donne assez de matériel pour bien comprendre ce qui ce passe et pourquoi la région est dans cet état, et rapide à lire. Pour ceux qui connaissent, on y voit clairement quelques inspirations venant des jeux Dark Souls et Darkest Dungeon.
Voici un avant-goût de l’histoire pour les curieux et les curieuses :
En l’an 1366, en plein obscurantisme moyenâgeux, la province de Saint-Voile est ravagée par une étrange pestilence transformant sa population en créatures dégénérées, déviantes et bestiales.
Si la province, pauvre et bien trop éloignée de la capitale, n’intéresse pas la Couronne, la fuite de la population face à une épidémie en pleine propagation, les rumeurs d’une nouvelle religion se développant dans la région (l’anathème de l’Église sur la cité fortifiée dirigée par la sulfureuse Comtesse) et l’absence de communications avec cette dernière contraignent le roi à mandater un collège de médecins de peste.
Le but de cette brigade méprisée : éradiquer la source de cette malemort ou mourir en essayant.
Support au maître de jeu
En premier lieu, on nous donne assez de matériel pour comprendre les raisons du pourquoi, et nous expliquer comment se déroule l’histoire en arrière-plan. Cependant, il est important de mentionner que le mystère est une partie TRÈS importante de ce petit jeu de rôle. Du coup, il est fortement déconseillé de permettre aux joueurs de prendre le livre et de le lire, si ce n’est que pour comprendre les mécaniques de base du jeu (qui sont très simples).
Pour le bien de l’aventure, on nous offre trois cartes représentant les différentes régions de l’histoire (divisée en actes) en format hexadécimal. Chaque case possède un événement, qui sera décrit à l’aide d’un petit paragraphe. Beaucoup de détails sur le déroulement de l’aventure sont laissés à la discrétion du maître de jeu, ce qui fait qu’une partie ne sera jamais la même d’un animateur à l’autre. À cause de cela, on requiert une assez bonne préparation de la part du maître de jeu pour s’assurer que les trucs mentionnés aux joueurs ont du sens, et que ceux-ci ne se contredisent pas. Mais après tout, c’est la base de tous les jeux de rôle, de préparer son aventure et les événements qui s’y déroulent.
D’ailleurs, on nous donne un outil de base pour débuter avec ces trois cartes, mais on nous conseille vivement de créer nos propres cartes de jeu pour pimenter les choses et surprendre les joueurs. Je ne serais pas surpris de voir quelques aventures supplémentaires apparaître sur le web pour ce jeu d’ici la prochaine année.
Mécaniques de jeu
Premièrement, il est primordial de noter que le système de Macadabre est très simple. En effet, un joueur peut en apprendre le fonctionnement et créer son personnage en moins de 20 minutes. Cet aspect rend l’expérience très agréable, et permet d’utiliser ce jeu comme porte d’entrée au jeu de rôle sur table aux joueurs non expérimentés. Cependant, le fait que le jeu soit si permissif et que les règles soient simples pourrait déplaire à ceux et celles qui cherchent à construire une aventure sur des règles complexes (GURPS, Pathfinder, Donjons et Dragons, World of Darkness, etc). Maintenant, voyons ensemble les facettes les plus importantes de ce bouquin.
Conception des personnages
La première règle de Macadabre est la suivante : le monde est cruel et injuste, tout comme le jeu. En effet, on force les joueurs à brasser au hasard chacun de leur personnage et de les laisser se débrouiller avec ce qu’ils ont. Pour ce faire, on doit déterminer les trucs suivants de façon aléatoire en brassant un dé à six faces : le sexe, le profil, la spécialisation, l’aspiration et la réaction au stress du personnage. Cette idée pourrait déplaire aux joueurs désirant créer leur personnage de rêve, mais cette contrainte ajoute une belle touche de rejouablité. Après tout, on ne choisit pas qui on est à la naissance, la vie n’est pas un jeu vidéo!
Le sexe détermine le sexe du personnage au hasard : transgenre, homme, femme et intersexué. D’ailleurs, on mentionne que si un joueur dit qu’il n’est pas à l’aise de jouer un sexe qui ne le représente pas, de lui dire de le jouer comme un être humain. Ça permet de faire sortir certains joueurs de leur zone de confort et j’adore ça!
Le profil détermine le concept de base du personnage au hasard : cobaye, étudiant, professeur, expert et indépendant. C’est le profil qui détermine les scores d’âme, de corps et d’esprit. En plus, le profil offre une capacité spéciale ainsi qu’une compétence propre à celui-ci.
- Âme : détermine la force de volonté, le moral et la résistance au stess.
- Corps : détermine la capacité à résister aux blessures, à la maladie et à la fatigue.
- Esprit : détermine l’utilisation des cinq sens, l’endurance et la compétence.
La spécialisation détermine une particularité notable du personnage, quelque chose qui peut l’aider à survivre dans la région maudite. Cette spécialisation apporte quelques capacités, pièces d’équipement et compétences supplémentaires.
L’aspiration détermine ce qui pousse le docteur à participer à l’expédition dans la province de Sainte-Voile.
La réaction au stress détermine la façon que la personne réagit si elle est incapable de gérer une situation de stress intense (mort d’un allié, scène horrifiante, terreur, etc.).
La mort des personnages
Ensuite, il est important de mentionner que la mort ne signifie pas la fin de l’aventure. Si un groupe de docteurs meurt ou disparaît, un hurlevent rapportera l’information collectée par la brigade à l’académie. De ce fait, les nouveaux personnages seront au courant des choses découvertes par les anciens personnages (dangers, raccourcis, alliés, etc.). J’adore cette idée de jeu rôle empruntant ce concept aux jeux vidéo rogue-like. Sinon, il va sans contredit que la mort d’un allié est un événement troublant. Pour cette raison, une mécanique de stress a été mise en place; les survivants devront alors tenter de résister à la panique pour continuer leur mission.
Sinon, j’ai remarqué un petit point négatif utile à mentionner. En effet, il semble y avoir une faille dans la façon de gérer les événements en rejouant après la mort des joueurs. Si un personnage rencontré par les joueurs est tué et que ceux-ci meurent par la suite, on ne nous explique pas si l’événement doit recommencer à zéro ou si le personnage reste mort. L’auteur m’a confirmé que ce choix est laissé à la discrétion du maître de jeu, selon ses préférences. Enfin, j’aurais aimé savoir cela à partir du livre, avec quelques conseils sur la façon de gérer chaque méthode d’animation.
Respecter la Comtesse
Tout au long du livre, le maître du jeu sera référé comme étant la Comtesse. Quoique la majorité des règles en lien avec l’animation soient optionnelles, je me devais d’en glisser un mot. Premièrement, la Comtesse doit ignorer un joueur qui ne lui parle pas en utilisant le terme « comtesse ». Deuxièmement, il est impératif que la Comtesse soit masquée et qu’on ne lui voie pas le visage; on ne doit jamais reconnaître les intentions véritables de celle-ci. Troisièmement, la Comtesse a toujours le mot final sur les actions des joueurs pour le bien de l’histoire. Ensuite, celle-ci doit toujours interpréter les jets de façon à faire avancer l’histoire et ne jamais réduire une scène à une série de jets de dés.
Dernièrement, certaines règles sont proposées afin d’ajouter un niveau de stress élevés aux joueurs : température élevée, le moins de lumière possible, un endroit clos et insonorisé, et surtout… une interdiction aux joueurs de s’asseoir. Pour faire bref, l’idée derrière ces règles est de simuler le stress ressenti par les docteurs lors de leur mission et d’imposer un facteur supplémentaire à leur prise de décision. Mais enfin, c’est le choix de la Comtesse de respecter ou non ces règles supplémentaires. Après tout, l’objectif d’un jeu est d’avoir du plaisir!
Qualité visuelle
Visuellement parlant, le livre est magnifique et très bien réalisé. Pour commencer, sa taille en fait un livre de chevet facile à lire et beaucoup plus agréable à digérer que certains jeux de rôle aux livres volumineux. En effet, on finit de lire le livre facilement en une seule soirée. Par la suite, ne reste plus qu’à laisser le maître de jeu préparer les petits détails de son histoire en cachette avant que la première partie commence.
Ensuite, le choix de police et la mise en page rendent l’expérience beaucoup plus agréable à l’oeil. Cependant, il n’y a pas beaucoup d’images pour représenter les différents événements ou les créatures rencontrées durant l’aventure, ce qui est toutefois dommage. Par contre, les quelques dessins à l’intérieur du bouquin sont beaux et respectent l’atmosphère établie pour le jeu. Pour ce qui a trait aux différentes cartes du jeu, elles sont faciles à lire, mais ne sont qu’en noir et blanc.
Conclusion sur Macadabre
Selon moi, Macadabre est la preuve qu’un jeu de rôle peut être de bonne qualité, même s’il est simple. Ici, on a préféré mettre l’emphase sur le stress et la création d’une histoire lugubre au lieu de focaliser sur la conception de règles complexes. L’univers qu’on nous propose est magnifique, et l’idée de s’inspirer des jeux vidéo du genre rogue-like était bien pensée. Ensuite, on laisse énormément de liberté au maître de jeu, quoiqu’on lui offre très peu de support autre que de lui dire de faire ce qu’il veut avec le jeu. Le jeu peut être joué par des joueurs de tous les niveaux, et s’explique en moins de quinze minutes.
Bref, côté rapport qualité-prix, on est très servi. Je le recommande fortement à tous les amateurs de jeux de rôle.
On aime :
- L’univers qu’on nous propose est intéressant et parfait pour les amateurs d’horreur
- Les règles sont très simples, et s’expliquent en moins de dix minutes
- Ce jeu est idéal pour les joueurs cherchant un jeu de rôle plus axé sur le roleplay
- L’approche rogue-like dans un jeu de rôle sur table est très rafraîchissante
- Le livre est d’un volume respectable, son contenu n’est pas difficile à digérer
- On encourage le maître de jeu à s’approprier le jeu à sa propre façon
On aime moins :
- Il y a très peu d’images pour supporter les scènes importants et les monstres
- Le système de jeu peut sembler trop simple pour certains joueurs
- L’aventure dépend complètement de la bonne volonté et de l’impartialité du maître de jeu