Attention, mesdames et messieurs. Aujourd’hui, je vous parle de BOULES!
Intéressant, hein?
Mais calmez vos hormones. Je n’ai pas l’habitude d’écrire un article juste pour le fun. Aujourd’hui, les amis, on va réfléchir. La situation qui nous intéresse pour le moment est tirée d’une série télévisée plutôt nouvelle, diffusée depuis août 2014 qui s’intitule :
Pour faire un résumé, la série Outlander, réalisée par Ron Moore (à qui on doit, entre autres, Battlestar Galactica) raconte l’histoire de Claire Beauchamp Randall, une infirmière qui a servie au courant de la Deuxième Guerre mondiale, qui part en lune de miel en Écosse tout juste après avec son mari, Frank Randall. Pendant son voyage, elle est témoin d’une cérémonie de magie blanche au cercle de pierre de Craigh Na Dun (un genre de Stonehenge, pour les connaisseurs). Après le rituel, elle est mystérieusement attirée par la plus grande roche du lot et, en y touchant, elle est transportée 200 ans plus tôt, dans une Écosse fébrile et rebelle, juste avant le soulèvement jacobite (soit une tentative des Écossais de renverser la couronne anglaise et de reprendre leur indépendance). On s’entend pour dire que, retourner deux cents ans dans le passé, ça comporte son lot de difficultés, surtout quand on est habitué à l’électricité, à l’eau courante, aux autos puis à la médecine moderne, entre autres. Étant une British qui retontit en Écosse, elle n’est pas vraiment la bienvenue. Le fil des évènements l’emmène donc à se marier, pour assurer sa sécurité, à Jamie Alexander Malcolm Mackenzie Fraser AKA Jamie Fraser AKA Jamie McTavish AKA probablement le plus bel homme qui existe dans un livre ou dans une série télé ou les deux (parce que Outlander c’est, à la base, une série de livres écrite par Diana Gabaldon et qui a été grandement inspirée par Doctor Who) et ils doivent survivre ensemble dans un climat hostile et incertain. Il y a de la guerre, du sang, de la bataille, du sexe… bref, c’est comme Game of Thrones, mais avec moins de morts puis moins de storylines.
Ceci dit, dans l’épisode qui a été diffusé la semaine dernière – samedi le 9 mai 2015 au soir sur le poste Starz (le producteur et diffuseur principal) et dimanche le 10 mai 2015 sur Showcase au Canada – intitulé The Search, on voit Claire qui part à la recherche de son mari, qui s’est fait arrêté et emmené par les Anglais, accompagnée de Jenny, la soeur de Jamie.
Alors que les deux femmes – qui me font étrangement penser à Salma Hayek et Penelope Cruz dans Bandidas – arrêtent leurs chevaux après une longue journée de recherches, histoire de vaquer à leurs besoins essentiels comme manger, pisser et dormir, on voit Jenny, qui a accouché très récemment (genre, deux-trois jours plus tôt), défaire son corset, se sortir un sein et se le masser histoire de le vider. Qu’on se le dise, un sein plein de lait, ça fait mal en chien. C’est lourd, c’est chaud, c’est sensible et, pour ceux qui ne le savent pas, un engorgement mammaire, ça peut virer en condition médicale si on ne s’en occupe pas ASAP. Si tu as déjà allaiter, tu regardes Jenny se ‘soulager’ en soupirant toi aussi et tu peux juste ressentir de la sympathie à son égard. Vas-y, sister, vide toi bien comme il faut. Bref, l’épisode, et surtout ce moment particulier, a été magnifiquement accueilli par la communauté des fans de la série et par le public en général. Bravo, Starz!
On se transporte au lendemain, donc dimanche 10 mai, ce qui coïncide aussi avec la fête des Mères, regarde donc! Faut savoir qu’à l’automne, la première partie de la saison était diffusée avec 3 semaines de retard, vu que Showcase a aquis les droits plus tard et avait une autre série à l’horaire le dimanche à la place de Outlander. Par contre, pendant la pause de mi-saison, ils ont annoncé que la diffusion reprendrait en synchronisation avec Starz, mais le dimanche soir, et que les épisodes seraient diffusés tels quels, au plus grand bonheur des fans canadiens qui ne sont pas adeptes de streaming. Ceci dit, leur promesse n’a pas été totalement respectée. En effet, on a eu droit à l’épisode, mais en une version raccourcie. Devinez donc quelle scène n’a pas passé au conseil? Hééé oui! La scène de Jenny.
La réaction a été quasi instantanée sur les réseaux sociaux et dans les salons de partout au Canada.
La communauté de fans étant essentiellement composées de femmes qui ont déjà eu des enfants – la parution du premier tome de la série datant quand même de 1992 – et qui ont fort probablement allaité, plusieurs (lire : des milliers) se sont senties insultées et brimées et n’ont pas hésité à pointer du doigt Showcase pour cette erreur de jugement. Pourquoi est-ce qu’on censure une femme qui vit une situation biologique normale et saine alors qu’on show off des boules dans des situations de viol, de sexe ou tout simplement quand la fille prend son bain dans une rivière (action totalement essentielle à l’histoire, bien sûr. Sarcasme? Tu penses?) et qu’aucune réaction, ou presque, à part un petit grognement de lassitude à l’occasion, ne se fait voir? Personnellement, je ne suis pas du genre à m’énerver si je vois de la chair sur mon écran (bon, ok je me suis tannée en écoutant True Blood, mais là, c’était juste parce que l’histoire ne m’intéressait plus ou, quand ça recommençait à titiller mon esprit, BAM! DES TOTONS PARTOUT.), mais dans la situation qui nous intéresse, oui, ça m’a fâchée.
La réponse de la station de télé ne s’est pas fait attendre bien longtemps.
Le lendemain même, Showcase a émis un communiqué sur sa page Facebook mentionnant que la diffusion de cet épisode était une erreur au niveau de la programmation, que c’était en fait la version raccourcie de l’épisode et que ce dernier serait diffusé en totalité le dimanche 24 mai. C’est bien beau, les excuses et la réponse aux plaintes des téléspectateurs et tout, mais, dans ma tête, une question perdure :
Pourquoi est-ce qu’une version cut de l’épisode existe de toute façon? Et surtout, POURQUOI est-ce que c’est cette scène-là, précisément, qui a été supprimée?
Le dévoilement des seins d’une femme dans le contexte d’allaitement est un débat de société très actif. Pendant les années fortes du renforcement de l’image de la femme (des années 1950 à 1980 surtout), on a mis l’allaitement de côté au profit des biberons et des formules lactées, vu que les femmes ‘envahissaient’ le marché du travail donc les nénés n’étaient pas à la portée des bébés. Par contre, les bienfaits de l’allaitement sur la santé du bébé (anticorps and all that jazz) et le côté pratique du fait que quand ton p’tit a faim « tu sors un sein et voilà, pas besoin de te lever pour faire un biberon et laisser ton marmot gueuler pendant 10 minutes à 2h du matin » était bien intéressant pour la mère fatiguée, a fait en sorte que l’humaine a repris le chemin de la maternité au naturel. Assez étrange, selon moi, que beaucoup de gens dans la société capotent de voir une mère au centre d’achat qui se sort un sein pour pourvoir à son bébé. Généralement, il faut que tu scrutes en titi pour le remarquer, puis ça, c’est malsain – de ta part, pas de la sienne. Il n’y a pas une femme qui va juste se sortir une boule sur la table de la cour des restaurants puis ploguer son p’tit dessus. Si c’est le cas, elle est dans son droit, mais oui, c’est un peu weird comme manière de faire, je le concède.
Pour avoir déjà été la Jenny’de l’histoire, j’ai allaité (pas longtemps) pis j’étais assez réservée, j’allais dans ma chambre ou dans le salon, en retrait, par choix, pour nourrir mon p’tit monstre. Si quelqu’un voulait me parler, il me demandait s’il pouvait rentrer, et je disais oui ou non. Mes seins, mes règlements!
Dans les lieux publics, de plus en plus, on aménage des lieux exprès pour ça et tant mieux. Pas parce que « comme ça, le monde n’a pas a voir », mais plutôt pour donner aux parents un endroit tranquille et paisible pour faire ça. Que ce soit des salons d’allaitement ou des mini-chambres pour famille (comme a l’aéroport d’Amsterdam, par exemple. Sérieux, je leur donnerais une médaille si je pouvais, parce que c’est parfait, leur setup. Mom approved!), faut penser au bien-être des mamans allaitantes et des bébés allaités, pas au p’tit confort des yeux de vierges offensées du public hypocrite qui gueule au scandale quand on nourrit un enfant au sein mais qui se farcit le défilé de Victoria’s Secret en streaming sur Youtube chaque année.
Encore aujourd’hui, en 2015, le nombre de mères qui se fait dire d’aller allaiter dans les toilettes (ark?) ou même de se cacher, le manque d’endroits pour les mères allaitantes (même si au paragraphe précédent j’ai mentionné que c’était de mieux en mieux, il y a encore du progrès à faire…), ce n’est pas normal selon moi. On parle du besoin vital d’un enfant d’être nourri! C’est une discussion que j’ai déjà eu avec mon amie Mélissa, que beaucoup d’entre vous connaissent sous le nom de Jusdepomme, costumadière canadienne assez reconnue dans la communauté québécoise et fière adepte du cosplay en famille, où on disait justement que les conventions qu’on adore négligent souvent les espaces pour les familles, qui sont de plus en plus nombreuses à se joindre à ses événements où le but est de célébrer l’amour que tous ont pour une passion commune. Si tu es d’avis que ce n’est pas la place pour les familles, je te réponds qu’elles ont autant le droit d’être la que toi parce qu’avant d’être des parents avec enfants, ce sont des fans et des passionnés. Bouche tes oreilles puis ignore-les, au pire.
À ma connaissance, Outlander est la première série qui démontre l’allaitement et ses désagréments de manière aussi graphique et sérieuse. (On oublie le moment un peu trop awkward de Lady Arryn et son fils de 8-10 ans au sein, dans Game of Thrones, s’il vous plaît..!!) Bref, de manière aussi naturelle et quand ça a l’air naturel à la télé, ça perturbe, ça offusque! Moi, perso, je leur lève mon chapeau. Outlander est probablement ma série télé préférée – mais les livres aussi sont mes pref‘, depuis les 10 dernières années – et je trouve que Ron Moore fait une job de fou avec l’adaptation télévisuelle. Elle fait réagir les fans et en attire de nouveaux avec qui les hardcore fans comme moi échangent de manière intelligente (par exemple : le débat dont je vous parle ici) et moins intelligente (par exemple : la perfection des fesses à Jamie), mais ça se passe toujours de manière aussi plaisante et, surtout, dans le respect.
Ceci dit, je suis contente de voir que des fictions peuvent amener la société a réfléchir sur certains enjeux et débats sociaux. Showcase a peut-être fait un microscandale avec leur « erreur de diffusion », mais j’ai été vraiment contente de voir que, pour une fois, c’est le média qui a merdé et que c’est le peuple qui avait la réponse sensée.
Mais on s’en calisse tu pas d’une boule coupée au montage? On arrête pas d’chialer que la télé montre trop d’sexe pis de nudité, pis quand un show s’arrange pour l’éviter… on chiale encore. Un moment donné, branchez vous tabarnak.
Peter, ceci n’est pas une scène de sexe gratuite comme on en voit tout le temps et qui fait réagir. Ici, le point principal c’est en fait que la femme en tant que mère a des besoin physiologique comme simplement se soulager d’un inconfort. C’est comme si on disait : NON ARK! cette femme n’est pas juste un objet sexuel, mais aussi une mère qui peut être à l’aise avec son corps. C’est qu’au lieu de cacher l’hypersexualisation qui est un phénomène négatif ayant un impact sur l’estime et l’autonomie des femmes, on cache un phénomène naturel important pour les femmes. Un geste qui, par extension, prône la liberté de corps, d’action et surtout le confort notemment dans son corps, mais aussi en société et avec l’état de mère et les gestes naturels qui s’en accompagnent.